J’entends souvent des parents, au parc ou à l’école, dire à leur enfant : « Va jouer avec les copains! »
Les copains ? Tous les enfants d’un même âge seraient donc d’office copains ?
Mais moi, adulte, j’ai des copains plus jeunes, et plus vieux aussi…
Se faire des copains, un sacré challenge
Dès que les enfants, parfois encore bébés, sortent de la famille, on leur présente leurs semblables comme des « copains ». Chez la nounou, à la crèche, le mot « copain » est très souvent utilisé. Pourquoi ce mot ?
Les parents cherchent à présenter les challenges de la vie sous le meilleur angle. Quoi de pire pour un enfant que de se retrouver dans un milieu inconnu, avec des personnes inconnues, et sans ses parents ? Situation pas si simple, les parents n’ayant pas souvent le choix dans la date de reprise de leur travail. Ils cherchent le meilleur mode de garde, la meilleure nounou, prennent parfois un congé plus long. Malgré tout la culpabilité est souvent au rendez-vous…
Présentés sous forme de « copains », les autres enfants paraissent avoir de bonnes intentions. Voilà qui est rassurant ! Ce mot implique une relation de partage, de complicité, de réciprocité… Mais surtout pour les parents , car le partage n’est souvent pas de mise dès le plus jeune âge !
Se faire des copains avant 3 ans, est-ce possible ?
Avant trois ans, l’enfant découvre le monde à partir de lui-même. En clair, il apprend à se mouvoir, se retourner, ramper, s’asseoir, se mettre à quatre pattes… Son expérience est centrée sur lui-même, et c’est déjà beaucoup ! Il est très dépendant de ses parents, et sa communication consiste à exprimer ses besoins avant tout.
Bien sûr, il est sensible. Sensible à son environnement, aux intentions des personnes qui l’entourent et à leurs émotions, et tout ce qu’il ressent crée des connexions dans son cerveau en construction… Mais le mot « copain », à 18 mois, a-t-il un sens pour lui ? Il y associe peut-être l’intention des parents, et prend ce mot pour quelque chose d’assez positif, mais ça s’arrête là.
A partir de deux ans, lorsque les enfants sont à l’aise dans la marche et parfois dans la course, commencent à grimper partout et notamment au toboggan du parc, ils entrent en interaction volontairement avec d’autres enfants. Il faut attendre son tour à l’échelle ? Certains enfants patienteront, quitte à se faire prendre la place ; d’autres n’hésiteront pas à pousser voire taper pour passer rapidement… Peut-on alors parler de copains ? Non, les autres enfants sont des « autres », avec qui il faut apprendre à communiquer, à trouver sa place, et qui ne sont pas tous pareils… On peut jouer avec certains et pas avec d’autres, et changer du tout au tout le lendemain.
Et après trois ans, qu’est-ce qui change ?
Après trois ans, les enfants parlent. Il y en a qui parlent plus tôt, bien sûr, mais on peut dire qu’autour de trois ans les mots ont un sens. L’enfant apprend à en utiliser un plutôt qu’un autre, à comprendre sa portée…
C’est le moment où ils inventent des histoires, et peuvent les inventer avec d’autres enfants. L’échange devient vraiment possible, ils jouent ensemble, décident ensemble, se mettent d’accord ou se fâchent ensemble.
A partir de ce moment, le mot « copain » peut avoir un sens. Le sens de celui avec qui on partage le jeu, se rapprochant de son étymologie : celui avec qui on partage le pain.
Pour autant, un enfant n’est pas copain avec tous les autres enfants de sa classe ! A l’école, on apprend le partage des activités, du matériel, des jeux aussi… mais ce partage provient d’une règle imposée par le fait d’être en groupe. On fait du dessin, donc on partage les papiers et les crayons avec les autres enfants. Mais même si je n’aime pas particulièrement ces autres enfants, il faut le faire quand même.
Les enfants de l’école sont comme vos collègues de travail. Vous nouez des relations chaleureuses avec certains, mais avec d’autres, l’idée de les inviter pour un apéro n’est même pas imaginable ! Vous sentez-vous « copain » avec tout votre entourage professionnel ?
Nous ne vivons pas au pays des Bisounours !
Si tous les enfants de 5 ans, 8 ans, 10 ans étaient toujours heureux, souriants, accueillants et joueurs, cela se saurait !
En utilisant le mot « copain » à chaque fois que vous parlez des autres enfants, vous niez la complexité de leur personnalité, de leurs intentions, de leur éducation. Ils sont tous enfants, c’est sûr et vérifiable. Mais rien ne vous dit qu’ils soient tous copains, ni entre eux, ni avec votre enfant.
Alors, s’il vous plaît, arrêtez d’appeler tous les enfants « copains ». Laissez à votre enfant le temps d’apprivoiser les autres. Le temps de comprendre la relation, d’être timide ou entreprenant. Et de cibler les enfants avec qui il a envie d’aller plus loin.
La vie nous met aussi des embûches sur le chemin, qui nous aident à progresser. On peut avoir un super copain qui change en l’espace de quelques semaines, et avec qui on ne s’entend plus du tout. Ou bien une personne avec qui on ne s’entendait pas, et que l’on découvre sous un autre angle dans un autre environnement…
Attribuer un nom à un groupe d’enfants que l’on ne connaît pas est une forme de jugement. Positif, certes, mais jugement quand même. Imaginez si vous changiez ce mot en « crétins » ?
« C’est ton premier jour à la grande école. Oh, regarde, il y a déjà plein de crétins dans la cour ! »
Alors comment mon enfant peut se faire des copains « en vrai » ?
Les relations des enfants entre eux ne peuvent être dirigées par les adultes. Nous ne pouvons pas imposer que deux enfants s’entendent, aient envie de jouer ensemble ou de partager leur goûter.
Ce que nous pouvons faire, en tant que parents ou accompagnants, c’est de donner toute notre confiance en notre enfant. Et pour accorder notre confiance, il faut que nous soyons convaincus de ses capacités à se faire des copains. Or pour être convaincu d’une chose, rien de mieux que de l’avoir observée de nos propres yeux !
Alors, la première chose à faire va être d’observer votre enfant.
Observation : mode d’emploi
- allez dans un parc, square, aire de jeux avec des enfants. Pas forcément avec beaucoup d’enfants agités après une journée d’école, mais si possible avec quelques personnes et enfants d’âges variés.
- Installez-vous sur un banc ou dans l’herbe, mettez-vous à l’aise, et plongez-vous dans un livre ou des mots croisés en laissant vaquer votre enfant à ses occupations
- sortez de votre livre, pour regarder comment agit votre enfant pour entrer en relation avec les autres. Observez par exemple :
- est-ce qu’il va directement vers les autres enfants et leur demande de jouer avec eux ?
- est-ce qu’il les observe de loin, regarde, hésite, recule…
- ou bien est-ce qu’il les évite volontairement pour jouer seul ?
- si d’autres enfant lui proposent de jouer avec lui, est-ce qu’il leur répond ? Et est-ce qu’il accepte ?
- est-ce qu’il répond si d’autres adultes lui parlent ?
- Spontanément, est-ce qu’il va facilement vers les enfants plus petits, les aide à monter au toboggan…
- ou est-ce qu’il pousse tout le monde pour passer le premier ?
Vos réponses seront déjà une belle image de sa personnalité et de sa façon d’entrer en relation avec l’extérieur.
Deuxième étape : explication
Qu’il soit timide, réservé ou boute-en-train, sa facilité ou ses difficultés pour se faire des copains seront les mêmes.
Ce que vous observez aujourd’hui ne veut pas dire que ce sera vrai demain. Votre enfant va grandir, changer, et c’est tant mieux !
En attendant, peut-être que dans ce que vous observez, certaines choses vous laissent un peu dubitatif quant au fait de pouvoir se faire des copains facilement… Entrer en relation avec les autres n’est pas toujours inné, au contraire. Et il peut être bienvenu d’apporter quelques explications à votre enfant.
Voici quelques exemples d’explications qu’il faut parfois fournir, en fonction de la situation :
- Tu n’es pas obligé d’aller jouer avec les autres enfants, fais comme tu as envie.
- Tu peux aller jouer avec eux, pour cela il faut leur demander. Je t’accompagne si tu veux.
- Tu ne peux pas pousser ou taper les autres. Ils ont droit au respect, tout comme toi. Si quelque chose ne va pas, tu peux leur dire avec des mots. Je peux t’aider si tu as besoin.
- Tu aimes bien organiser les jeux, mais tu ne peux pas décider pour tout le monde. Certains enfants aiment bien suivre un chef, d’autres non.
Dans tous les cas et quoi qu’il arrive, ne forcez pas votre enfant à aller vers les autres enfants. S’il n’y va pas de lui-même, c’est qu’il n’en ressent pas le besoin, ou qu’il ne se sent pas prêt. Et comme vous n’êtes pas à sa place, vous ne pouvez pas décider à sa place !
La meilleure attitude est de l’écouter, l’encourager, et… l’oublier.
Oublier ?
Oui, tant que votre enfant ne vous parle pas de soucis particuliers, que vous ne le sentez pas frustré ou en difficulté par rapport aux autres enfants, pourquoi remettre le sujet des copains sur le tapis ?
Vous avez expliqué différentes stratégies, vous l‘accompagnez dans des endroits où il peut rencontrer d’autres enfants, c’est tout ce que vous pouvez faire.Lui mettre la pression pour qu’il aille vers les autres, l’encourager s’il n’a pas envie risque au contraire d’accentuer le blocage.
Et c’est souvent quand on oublie la difficulté que l’on trouve la solution, non ?
Se faire des copains, est-ce indispensable quand on est enfant ?
Les psychologues affirment qu’il est important pour un enfant d’être entouré de ses pairs, pour développer sa confiance en soi et tester ces relations d’amitié avec son entourage. Dans cet article de Psychologie Magazine, l’accent est mis sur le rôle des copains à l’école : « dès qu’ils entrent dans la classe, les petits cherchent leur copain ou leur amoureuse. Et même s’ils changent en cours d’année, ces liens leur apportent un sentiment de sécurité qui favorise les apprentissages ».
Présenté ainsi, on a l’impression que les apprentissages ne peuvent se faire qu’à l’école, entouré d’autres enfants. Ces enfants prennent alors un rôle de relais d’attachement, puisqu’il faut nécessairement se séparer des parents à trois ans.
Pourtant, je connais beaucoup d’enfants qui ne sont pas à l’école ! Ils vivent dans leur famille, entourés de personnes de tous âges, et apprennent sans souci tout ce qui les intéresse ! Se faire des copains, c’est important, certes. Mais à nous de voir ce que l’on met derrière le mot « copain ». On n’est pas forcément ami qu’avec des enfants de notre âge, de notre classe. On peut être copain avec des ados, des adultes, des amis de nos grands-parents, ou des plus jeunes que nous. Et c’est au contraire cette diversité qui apporte de la richesse dans les relations !
L’école impose à l’enfant en détresse de séparation un échantillon d’enfants eux-aussi en détresse auxquels s’attacher !
Et s’il y avait un problème chez mon enfant ?
On imagine souvent un enfant « normal » comme ayant plein de copains, allant facilement vers les autres, et changeant de groupe régulièrement, tout en gardant ses « meilleurs amis ». Bonne nouvelle : tous les enfants ne sont pas pareils !
Si j’observe mes quatre enfants, que ce soit à l’école ou non, voici ce que je relève :
- l’un n’a qu’un ami, qu’il ne voit que tous les 6 mois. Il peut se faire des copains, mais cela dure le temps d’un jeu. Au bout d’un moment il en a marre et le quitte. Il discute plus facilement avec des adultes de tous âges, et peu avec des enfants plus jeunes que lui.
- un autre a beaucoup de copains, changeant rapidement. Mais pas vraiment d’ami avec un grand A. Au point finalement de ne pas fêter son anniversaire avec eux, il n’avait envie d’inviter personne…
- une fille a deux amies, avec qui elle joue beaucoup, et avec qui les rares disputes sont vraiment difficiles à vivre. Elle peut jouer avec plein d’autres enfants, plus petits ou un peu plus grands. Elle écoute les ados et adultes, sans plus.
- la dernière vit pour et à travers le groupe. Elle recherche le contact des autres enfants, quel que soit leur âge. Depuis toujours, elle aime les sports d’équipe, rencontrer de nouvelles personnes, tout en gardant une meilleure amie très importante à ses yeux. Elle adore écouter les conversations des adultes, et joue souvent avec des enfants plus jeunes, bien que les ados l’intéressent aussi.
Chaque enfant est donc différent, et tous n’ont pas cette intelligence sociale qui fait que les relations avec les autres sont simples et fluides.
Si malgré toute sa bonne volonté, votre enfant a envie de se faire des copains mais n’y arrive pas, c’est peut-être qu’il a peu de confiance en lui. Qu’il soit rejeté à l’école, l’objet de moqueries ou non, aller vers les autres est peut-être difficile et il se sent maladroit, décalé…
Aller voir un thérapeute, psychologue, en qui vous avez confiance peut régler le souci en quelques séances. Avec les enfants, tout va tellement plus vite !
Et vous, vous avez beaucoup de copains ?
Laissez-moi vos réponses dans les commentaires au bas de la page !
» L’école impose à l’enfant en détresse de séparation d’autres enfants aussi en détresse de séparation auxquels s’attacher. » Ne trouvez-vous pas cette phrase pour le moins caricaturale si ce n’est mensongère ? L’école a de nombreux défauts mais en aucun cas elle n’impose des copains aux enfants, et tous les enfants ne sont heureusement pas en détresse de séparation d’avec leurs parents ! Je comprends votre argumentation motivée pour défendre à tous prix l’instruction en famille, mais il ne faut vraiment pas tomber dans la caricature ni dans la mauvaise foi.