Combien de parents se sentent oppressés quand vient le moment d’inscrire leur tout petit à l’école maternelle… Et combien se sentent tout à coup légers quand leur enfant a enfin passé le bac, et poursuit des études dans un cursus qui lui plaît ! Liberté, égalité, fraternité… Pourtant, l’école de la République n’est pas celle de la liberté, celle qui est si importante à mes yeux.
Liberté, j’écris ton nom
La liberté est un principe fondateur de notre société. Elle peut être vue de trois façons différentes :
- en formulation négative : la liberté s’oppose à l’esclavage, la servitude, ou la séquestration, l’emprisonnement.
- en formulation positive : être libre, c’est pouvoir choisir ses actions en toute autonomie et spontanéité.
- ou dans le cadre du droit : La « liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4 de la Déclaration des droits de l’homme) ce qui implique la possibilité de « faire tout ce qui n’est point interdit, comme ne pas faire ce qui n’est point obligatoire » (art. 5)
Tu l’auras compris, je ne parlerai pas ici d’emprisonnement… Mais plutôt de la conciliation entre les libertés individuelles et sociales. Car en tant que parent, nous accompagnons nos enfants, des êtres individuels, à s’épanouir dans une société existante, avec ses règles et ses contraintes.
Et comme l’a si bien dit Paul Eluard dans son poème,
Je suis né pour te connaître
Pour te nommerLiberté, Paul Eluard, 1942
Liberté

Nous naissons tous libres et égaux en droits…
Bien sûr, la liberté fait partie de notre vie, aujourd’hui, dans des pays en paix. Mais qui en fait vraiment usage ? Osons-nous vraiment utiliser notre liberté au quotidien, pour les choses importantes de notre vie ou de celle de nos enfants ?
La liberté des parents
Les parents ont la liberté, en France, de choisir l’accompagnement qu’ils souhaitent pour la naissance de leur enfant. Ils peuvent également choisir le lieu de la naissance, à l’hôpital, en clinique ou à la maison. Ils ont le choix d’allaiter ou non leur enfant, d’utiliser des couches jetables ou en tissu, de porter leur enfant comme bon leur semble…
Ils ont aussi le choix de le faire garder ou non, de reprendre le travail ou non, de l’inscrire à l’école ou non.
Dans notre société de liberté, pourquoi peu de personnes réfléchissent à ces choix ? Beaucoup d’entre nous ne savent même pas que ces choix existent, l’école étant présentée comme obligatoire par le ministre de l’éducation lui-même, alors que c’est l’instruction qui l’est !
Oui, l’instruction en famille reste un choix marginal. Mais au-delà de ce choix, pour exercer entièrement sa liberté, il est important d’être informé. Plus je suis au courant de ce qui est possible de faire, mieux je vais pouvoir faire des choix en toute conscience, et utiliser intelligemment ma liberté pour moi-même, ma famille et la société.
Concernant les apprentissages, les parents sont libres par exemple :
- d’inscrire leur enfant dans une école alternative de leur choix
- d’inscrire leur enfant à l’école publique de leur quartier, en acceptant la pédagogie mise en oeuvre
- de choisir l’école publique, tout en accompagnant activement leurs enfants en dehors (co-schooling)
- de proposer l’instruction en famille à leur enfant et assurer eux-même l’accompagnement pédagogique
- de l’inscrire à des cours particuliers, cours par correspondance…
- … et beaucoup d’autres situations !

La liberté des enseignants
Comment parler aux enfants de liberté quand on est enseignant, et soi-même sous la contrainte de l’institution ?
En tant qu’enseignant, il est important aussi de savoir utiliser toute sa liberté, pour que la transmission puisse se faire au mieux vis-à-vis des enfants.
Si on y réfléchit un peu, être libre, dans l’enseignement, n’est-ce pas la condition sine qua non pour pouvoir transmettre ?
Si je me sens libre d’adapter mon propos à mon auditoire, de le compléter, de le remettre en question, de l’améliorer, de le transformer en dessin, en chanson, en poème… alors j’arriverai à transmettre ce propos bien mieux que si j’ai un texte à faire apprendre mot à mot, sans rien y changer.
Là encore, savoir ce qui est imposé permet d’être créatif là où notre liberté est présente !

La liberté des enfants
Les enfants aussi sont libres. Et ils ont leur mot à dire !
Ils sont libres d’apprendre ce qui les intéresse, au moment où ça les intéresse. Libres de suivre leur rythme d’apprentissage. Libres de s’intéresser à quelque chose que l’on ne maîtrise pas.
Lorsque les enfants se sentent libres de choisir ce qui les intéresse, ce qu’ils veulent apprendre, leur motivation est préservée.
Leur curiosité les mènera sûrement vers des champs encore inexplorés, qu’ils pourront choisir de découvrir à leur guise.
Les enfants sont acteurs de leurs apprentissages, et en ce sens doivent aussi pouvoir donner leur avis sur la façon dont nous, adultes, leur proposons ces apprentissages. Oui, ils savent ce qui est bon pour eux !
Certains enfants se sentent bien à l’école. D’autres se mettent trop la pression pour réussir. Et pour d’autres, l’instruction en famille serait l’idéal ! Pourquoi ne pas leur demander leur avis ? Cela n’engage à rien, sauf à ouvrir le dialogue.
Car oui, je sais bien que nous avons tous une grande liberté. Et que malgré cela, nous avons aussi chacun un lot de contraintes…
Ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui…
Malgré tout, la liberté a besoin de limites. Sans limites, elle déborde, s’étale et finalement ne mène nulle part… Avec des limites simples, claires, et bien posées, elle nous permet d’avancer dans notre vie à grande vitesse !
Les parents trouvent souvent des limites financières à leurs choix de vie. Faire l’instruction en famille te plairait bien, mais comment gagner assez d’argent tout en instruisant tes enfants ? Ou bien, comment gagner assez pour financer l’école alternative ? Ou encore, cela demanderait de déménager…
Certains parents le font. Ils se lancent, osent… et au final ne le regrettent pas ! J’en connais même qui sont partis faire le tour du monde en famille…
L’enseignant a des limites inhérentes à sa fonction : il a des objectifs à atteindre, différents selon sa situation (école publique, privée, selon la pédagogie, l’âge des enfants…) qui forment la principale limite. Grâce à cette contrainte, l’enseignant va utiliser toute sa liberté pour agir au mieux avec les enfants, et les mener vers leurs avancées.

Poser des limites aux enfants pour assurer leur liberté
Pour les enfants, poser des limites leur permettra aussi de développer leur créativité et user pleinement de leur liberté.
Ces limites peuvent prendre différentes formes : pour les petits, tu peux poser un cadre, une ambiance propice aux apprentissages (on ne court pas, on range les choses à leur place lorsqu’on a fini de les utiliser, pas de cris ou de bruits inopportuns…)
Pour les plus grands (à partir de 6 ans), tu peux également proposer des objectifs à atteindre à court ou moyen terme, un temps ou un lieu impartis…
Dans ces cadres, la liberté génère la créativité. Trop de contraintes mène aux rêves d’évasion, pas assez de contraintes laisse une place à la loi du plus fort.
A nous de trouver le juste milieu, le point d’équilibre pour que les acteurs des apprentissages, enseignants comme élèves, adultes comme enfants, puissent jouir pleinement de leur liberté pour avancer, en accord avec eux-mêmes.