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Enfant précoce : quel décalage !

Les enfants précoces, ou HPI (haut potentiel intellectuel), sont souvent des enfants « à part ». Des enfants qui ont du mal à s’intégrer dans un groupe, qui sont souvent « trop » ou « pas assez » : trop intraverti ou trop meneur, pas assez patient ou pas assez concentré…

Comment comprendre ce qui se passe dans leur tête ?

Que l’on soit parent ou éducateur, enseignant, thérapeute, il arrive que devant un enfant précoce on n’y comprenne rien.

Alors aujourd’hui, voici un texte écrit par un enfant précoce, un enfant de 12 ans qui a beaucoup de recul sur la vie en général et sur la notion de groupe en particulier. Il vous raconte son expérience d’apprentissage du solfège, et ses réflexions qui en découlent : elle pourront vous ouvrir des pistes !

Place à Malik, 12 ans, et je vous retrouve juste après !

Je suis en troisième année de solfège. Je fais de la musique depuis 5 ans, mais au début je prenais des cours particuliers, donc j’apprenais le solfège en même temps que mon instrument (la trompette).

L’année dernière, je me suis inscrit au conservatoire. J’ai passé un examen pour savoir mon niveau de solfège, et comme je ne connaissais pas la clé de fa, on m’a mis en deuxième année.

Les cours de solfège ont été horribles l’an dernier, j’étais dans un groupe d’enfants qui s’en fichaient, qui faisaient le bazar, les profs répétaient sans arrêt… Je n’ai pas du tout aimé les cours de solfège, mais je pensais que ça serait mieux en troisième année car je changerais de groupe.

répéter, est-ce vraiment nécessaire pour un enfant précoce ?

Mais cette année, j’ai été très déçu. D’abord, parce qu’on nous a demandé d’acheter une méthode pour deuxième année : à quoi ça sert d’être en troisième année pou refaire ce qu’on devrait déjà avoir vu ? Les professeurs prétextent que ce cahier est plus avancé que ce que nous avons fait (ou que nous sommes en retard ?) Ensuite, parce que même si le groupe est mieux que l’an dernier, il y a toujours des garçons qui papotent et des filles qui gloussent.

A chaque cours, on commence par réviser sur ce cahier. Ça dure à peu près trois quarts d’heure. Puis on travaille des chants pas terribles (certains chants, je les avais appris à l’éveil musical à 3 ans !). La prof répète environ trois fois chaque phrase, et fait des commentaires sur chaque intitulé d’exercice. Ça n’arrange rien à mon exaspération.

J’ai l’impression de perdre mon temps,

et sur le chemin du retour ça m’énerve carrément. Pour un exercice, il n’y avait qu’une note sur une mesure à 4 temps. Il fallait deviner quelle était la durée de cette note : il y a un élève qui a proposé une blanche, et un autre une blanche pointée. Mais qu’est-ce qui se passe ? A 6 ans, au bout de deux semaines avec ma partition je savais qu’une ronde faisait 4 temps ! Et j’avais 6 ans, quoi…

Malik à 6 ans : pas encore trop de décalage…

Est-ce que tous les autres sont nuls ? Est-ce que tous les autres ne s’intéressent à rien ? Pourquoi la prof se sent obligée de tout répéter ? Est-ce que ça aide vraiment les autres à comprendre ? Est si ça marche vraiment, comment ils peuvent arriver en troisième année sans savoir qu’une ronde fait 4 temps ?

Je m’ennuie dans ce cours de solfège, mais il ne dure qu’une heure par semaine. Ce n’est pas la fin du monde. Mais je me suis dit que si j’allais au collège et que les cours étaient de la même qualité, je péterais un plomb. Si tous les enfants intelligents doivent subir ça pendant 16 ans à l’école, il ne faut pas s’étonner qu’ils tombent dans la drogue ou se suicident.

Comment Malik en est venu à vous écrire ce texte ?

Un soir, Malik est revenu exaspéré de son cours de solfège. Il m’a demandé d’aller voir le secrétariat pour le faire passer en quatrième année. Il était révolté. Et c’est quand il est arrivé à sa conclusion autour de la drogue et du suicide que je lui ai proposé d’écrire tout ce qu’il venait de me raconter pour vous le partager sur mon site.

Un enfant précoce ?

Malik ne fréquente pas l’école

. Depuis qu’il est tout petit, il est particulièrement éveillé, et attentif à la justice. A l’école, il aurait été très bon élève si la maîtresse était gentille et juste, ou bien le pire des cancres s’il ne se sentait pas respecté (une seule punition aurait pu virer à la catastrophe !) Mais ce ne sont que des suppositions…

A 9 ans, il a été un peu à l’école Montessori, avec moi comme maîtresse. Le travail en groupe a été très difficile pour lui, et une fois son travail fini il  tournait en rond : pas question non plus d’en faire plus 😉

peut-on trouver des cours adaptés aux enfants précoces ?

Enfin, il a choisi de ne pas aller au collège pour reprendre l’instruction en famille, qui lui convient bien mieux : il est libre dans ses horaires, avance à son rythme et voit les copains quand il veut. La liberté est importante pour lui.

Que penser de tout cela ?

Que tous nos enfants précoces auront des idées suicidaires à l’adolescence ? Je ne pense pas…

Que la déscolarisation est la seule solution pour tous nos enfants précoces ? Là non plus…

Ce texte est UNE vision des choses d’UN enfant, avec sa propre vision du monde et son expérience des apprentissages. Une expérience différente de celle de la plupart des autres enfants scolarisés, ce qui accentue le décalage.

Comment j’ai procédé pour accompagner Malik dans sa révolte, et l’aider à la surmonter ?

J’ai procédé en 3 étapes :

  • D’abord, j’ai commencé par l’écouter. L’écouter en vrai, pour entendre sa vision des choses, son point de vue, comprendre ce décalage. L’écouter sans lui couper la parole, et en l’encourageant à suivre sa pensée et à aller au bout de son raisonnement. Un exercice d’empathie pas toujours simple pour nous, adultes, parce que nous aussi avons vécu des situations pareilles et avons survécu… J’avais un peu envie de lui dire que « c’est pas grave », que « ça arrive souvent », qu’il « pousse le bouchon »… Je me suis abstenue.
Pas toujours simple d’ouvrir grand ses oreilles pour écouter son enfant !
  • Ensuite, j’ai tenté de mettre des mots sur ce qu’il ressentait : révolte, déception, énervement… Et ensemble nous avons cherché à comprendre ce que les autres enfants de son cours pouvaient ressentir. On en est arrivés à deviner que ces enfants sont fatigués par leur semaine de collège (le cours est le vendredi soir), qu’ils vont à ce cours juste parce que c’est obligatoire et n’arrivent plus à rester concentrés. Cela a permis à Malik de s’apaiser un peu, tout en se rendant compte que peut-être que ces enfants subissent des cours comme ça toute la semaine !
  • Enfin, je lui ai proposé d’écrire tout ça, pour en garder une trace et qu’il puisse s’exprimer librement. Lui qui n’aime pas écrire, il a filé dans sa chambre. Il est redescendu 10 minutes plus tard en me demandant s’il pouvait tout écrire. J’ai répondu qu’il n’était pas censuré : quand il m’a montré sa première version il y avait pas mal de gros mots au milieu, et un grand sourire sur son visage ! Il s’est lâché, et en moins d’une demi-heure il était passé d’un état de rage à un état de satisfaction et de fierté.

Et vous, comment voyez-vous que votre enfant est en décalage avec les autres ?

Comment accompagnez-vous votre enfant précoce quand il est en plein questionnement existentiel ?

Laissez vos réponses dans les commentaires 😉

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Cet article a 2 commentaires

  1. Aurélie

    Merci pour ces réflexions, ces pistes de nouvelles réflexions…
    Je confirme que c’est UNE vision, un enfant, même précoce, est un enfant, et comme tous les enfants sont uniques et exceptionnels, les enfants précoces sont eux aussi uniques et exceptionnels !
    Pour mon fils par exemple, le décalage est énorme sur le plan cognitif (il a appris à lire tout seul bien avant l’entrée au CP, à 6 ans il calcule des puissances de 2 jusqu’à 131072, parfois j’ai du mal à suivre…). Je ne compte pas non plus les heures passées à écouter et tenter de répondre à ses questions existentielles, sur la vie, la mort, le pourquoi des choses. Emotionnellement, c’est mieux maintenant, mais c’était des tourbillons et des tempêtes quand il était plus petit, et c’est encore difficile par moments. Mais socialement, il est hyper adapté. Il est très apprécié de tous à l’école, aide spontanément ceux qui sont en difficulté, est invité à plein d’anniversaires, est l’amoureux de 75% des filles de sa classe… Maintenant qu’il grandit, il prend conscience du décalage cognitif, se rend compte que les autres ne réfléchissent pas comme lui, s’interroge… Nous verrons bien comment les choses vont évoluer, pour lui, et surtout dans ses relations avec les autres. Parce que c’est important pour se construire. Mais je tacherai de me souvenir de l’écouter vraiment, de l’aider à mettre en mots son ressenti, et à tenter de comprendre le ressenti des autres. Pour l’instant ça marche un peu, pas complètement, mais on va continuer !

    1. Laetitia Plisson

      Merci ! C’est rassurant de savoir que tous les enfants précoces ne sont pas pour autant « asociables » comme Malik !
      Et quel travail pour nous, parents… Nos enfants nous apprennent énormément !

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