Si tu t’investis dans les apprentissages des enfants, à la maison ou à l’école, tu t’intéresses sûrement aux différentes pédagogies que tu peux mettre en oeuvre. Pédagogie Montessori, Steiner, positive, active…Il en existe beaucoup, et certaines te correspondront beaucoup mieux que d’autres ! Aujourd’hui, je te parle de la pédagogie de projet, que je pratique beaucoup avec mes enfants, et que j’avais mise en place dans l’école Montessori dans laquelle je travaillais.
Mais d’abord, un projet, c’est quoi ?
Avant de parler de pédagogie de projet, il faut peut-être revenir sur le terme de projet. Tu connais tes propres projets, qui peuvent être des objectifs à moyen ou long terme : organiser un voyage en famille, suivre une formation pour changer de métier, faire une nouvelle réalisation en couture…
Pour les enfants, les projets sont faits pareil, à une autre échelle. Ils se composent :
- d’un objectif, généralement à plus court terme, même si parfois un projet peut durer beaucoup pus longtemps que prévu. Cet objectif doit être fixé par l’enfant, ou par la classe, mais pas imposé.
- d’un engagement de l’enfant vis-à-vis de cet objectif : c’est lui qui s’engage à atteindre l’objectif fixé (l’engagement est d’autant plus fort qu’il a lui-même choisi son projet)
- une planification des différentes étapes pour atteindre cet objectif
- une idée de la réalisation matérielle de cet objectif
Ainsi, les projets des enfants peuvent être très variés. Voici quelques exemples des projets qu’ont pu mener mes enfants ces dernières années :
- Organiser un concours de tir à l’arc
- Préparer un spectacle pour la fête du village
- créer des fiches sur les dieux de l’Olympe
- Coudre des vêtements pour les peluches
- Fleurir certains espaces du jardin
- Construire une cabane de jeux dans le jardin
- Faire un gâteau pour le goûter
- Ecrire un carnet de recettes de cuisine
- Fabriquer une boule à neige
- …
Tu vois que les projets peuvent être très variés !

Pourquoi la pédagogie de projet est efficace ?
La pédagogie de projet, c’est une pédagogie dite active. Comme cette citation de Maria Montessori l’indique :
« L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir »
Maria Montessori
Ici, on oublie l’enseignement classique, avec un adulte qui inculque le savoir aux enfants passifs. C’est l’enfant qui a des idées, des projets, et va tout mettre en oeuvre pour les réaliser.
Et en cherchant à atteindre son objectif, il va en apprendre des choses ! Notamment, il va
- Problématiser
- S’informer, se documenter
- Contrôler, critiquer
- Organiser, planifier
- Réaliser et contrôler
- Communiquer, rendre compte.
Ok, ça paraît très théorique comme ça. Ne t’en fais pas, les exemples concrets arrivent ! Mais, si tu prends un peu de recul, tout ce que j’ai dit là… ça rentre drôlement bien dans les cases du Socle Commun, non ?
La pédagogie de projet avec des 7-15 ans
Alors, comment mettre en place cette pédagogie de projet avec tes enfants ? Voici mes conseils concrets. Je parlerai ici uniquement du cadre de l’instruction en famille, puisque c’est celui que je maîtrise le mieux. Mais ces conseils sont tout à fait applicables en classe aussi !
Partir de l’envie de l’enfant
Si tu n’as jamais formalisé le terme de « projet » avant, commence par demander à ton enfant ce qu’il aimerait faire. A part « rien », qui n’est pas une réponse acceptée dans ce cadre 😉 , il va pouvoir faire une liste de tout ce qui lui passe par la tête !
Ne censure aucune de ses idées, même les plus farfelues peuvent faire leur apparition dans cette liste. On verra après si c’est réalisable, et comment.
Et si ton enfant n’a pas d’idées ? Ça peut arriver. Alors, je te propose d’ouvrir avec lui des livres de travaux manuels, bricolages, arts plastiques. Commencer par un projet avec une création matérielle l’aidera à mieux visualiser les étapes d’un projet, et la réalisation à la fin.

Choisir le projet
Une fois la liste d’idées établie, il faut encore choisir le projet. Et là, ton enfant va exercer son esprit critique : parmi ses idées, lesquelles sont réalisables immédiatement ? Lesquelles demanderont de l’aide extérieure ? Lesquelles lui tiennent le plus à coeur ?
Il va pouvoir choisir en conscience le projet qu’il veut réaliser en premier. Attention, cela ne veut pas dire qu’il fera tous les projets qui sont sur sa liste ! Pour l’instant, on a choisi un projet. Ce travail sera à refaire our un autre projet. Et la liste non utilisée peut être gardée pour un moment où il chercherait des idées…
Se documenter
Ensuite, quel que soit le projet choisi, il va falloir se documenter. Nous, on va facilement faire la razzia à la bibliothèque quand un nouveau projet voit le jour.
Feuilleter plusieurs livres sur un sujet permet là aussi de comparer les données, les interprétations, et voir ce qui est important à retenir.
Mais la documentation peut se faire aussi par internet, sites d’information ou vidéos, ou encore en demandant à un ami, ou à une personne compétente dans ce domaine…
Planifier
Une fois les informations prises, vous allez pouvoir planifier le projet. Si c’est créer un lapbook, ce projet prendre quelques jours ou quelques semaines. Si c’est gagner de l’argent de poche en vendant des jouets au vide-grenier, ce projet mettra beaucoup plus de temps ! (Ce qui n’empêche pas de se lancer dans d’autres projets en parallèle)
Réaliser
Réaliser le projet, c’est évidemment la plus grosse partie. Mais c’est aussi celle qui est agréable, parce qu’on voit le projet avancer au fur et à mesure !

Créer des affiches, écrire les règles d’un nouveau jeu de société, dessiner le jardin avec les plantes qui y seront plantées, préparer les énigmes de la chasse aux trésors… Chaque jour, avancer un peu le projet permet à ton enfant de travailler sa persévérance.
Toutefois, il arrive quelquefois qu’en avançant sur son projet, ton enfant se rendra compte :
- qu’il n’est pas réalisable : il demande des outils techniques auxquels il n’a pas accès, ou des connaissances d’un niveau bien supérieur aux siennes (ou aux tiennes d’ailleurs)
- que son projet est beaucoup trop long : il ne s’était pas rendu compte de l’ampleur de son projet et se décourage devant la masse de travail qu’il reste encore à fournir
- qu’il n’est pas si intéressant que ça : parce qu’entre temps, il a appris d’autres choses, vécu d’autres choses, et ses centres d’intérêt ont changé.
Je t’invite alors à prendre un temps avec ton enfant pour décider avec lui de l’avenir de ce projet inachevé. Soit il le laisse de côté, dans l’idée d’y revenir « plus tard », sans notion de temps. Soit il ne veut pas le continuer, et il peut âtre complètement abandonné.
Ce n’est pas un échec, car une prochaine fois il se souviendra qu’il vaut mieux se lancer dans de petits projets réalisables, ou du moins diviser un grand projet en plusieurs parties indépendantes. Ou peut-être reviendra-t-il de lui-même sur un projet inachevé l’année d’avant, et qu’il réussira à finir en une semaine !
Partager
Une fois le projet fini, les enfants sont en général super fiers de leur réalisation. Ce serait dommage de le garder pour soi !
Je t’invite donc à le montrer, à la famille bien sûr, mais aussi aux amis… et à l’inspecteur d’académie ! Même un projet qui peut paraître anecdotique montre que ton enfant a mis en oeuvre ses compétences diverses et variées, et son organisation pour le mener à bien. Et ça, ça correspond tout à fait aux critères de réussite de l’éducation nationale !

La pédagogie de projet avec des moins de 6 ans
Idéalement, comme tu viens de voir, la pédagogie de projet est très complète pour les enfants déjà lecteurs et à l’aise en écriture, soit à partir de 7 ans.
Mais personnellement, je l’utilise chez moi dès le plus jeune âge ! (Bon, ok, pas pour les tout petits…) A partir de 3 ans, en adaptant bien sûr les projets et l’accompagnement qui va avec !
Partir de tes observations
Pour commencer la pédagogie de projet avec un jeune enfant, je cherche d’abord à être à l’écoute. De ses idées, de ses envies, de ses besoins. Tu peux lister tes observations si besoin, ça peut aider au début !
Par exemple, tu peux noter en une journée :
- il pose une question sur les petites bêtes du jardin
- a envie de jouer aux jeux de construction avec moi
- adore que je lui lise l’histoire du Petit Chaperon Rouge
- ou encore : Il joue à se faire une épée avec un bâton…
Proposer des idées
N’attends pas que ton petit de 3 ans t’annonce qu’il compte s’investir dans un nouveau projet personnel qui durera 2 mois !
C’est plutôt à toi de proposer, à partir des observations que tu as faites, une idée de projet qui pourrait être rigolo / intéressant à faire. Un projet pour un tout petit, ça eut être très très simple !

+++Tu peux créer des lapbooks avec tes enfants dès 3/4 ans !
Pas besoin de partir sur de grandes réalisations : l’objectif, même si c’est toi qui proposes l’idée, c’est que ce soit ton enfant qui le réalise au maximum. Bien sûr, tu mettras la main à la pâte, mais au minimum !
Voici quelques idées de projets que tu peux proposer en fonction des observations du paragraphe précédent .
Autour des petites bêtes :
- Faire un carnet de dessin des petites bêtes qu’il voit au jardin
- Chercher le nom et les caractéristiques de la bestiole qu’il a observée, de faire une fiche avec dessin/photo et grandes caractéristiques écrites (Si ton enfant n’écrit as encore, c’est toi qui noteras sous sa dictée, et il pourra recopier le titre par exemple)
- Fabriquer un jeu de mémory avec des photos de petites bêtes, et apprendre leur nom au passage, les décrire, les comparer
Avec les jeux de construction :
- Proposer un concours ou un travail en coopération pour construire la plus grande tour / le pont le plus grand / une construction qui ressemble à
- la Tour Eiffel (et voir des photos et en parler au passage…),
- aux pyramides d’Egypte,
- à un château fort
- à l’Opéra de Sydney…
- Essayer construire en 3D toutes les lettres de l’alphabet (plus facile avec des Lego qu’avec des cubes !)
- Une personne fait une construction, et l’autre doit essayer de la reproduire exactement
Autour du Petit Chaperon Rouge :
- Tu peux lui proposer qu’il raconte l’histoire à sa façon : il dicte et tu écris ou tape à l’ordinateur. Il illustre, et ça fait un super cadeau pour les grands-parents !
- Vous pouvez jouer l’histoire comme une pièce de théâtre en famille. Qui sera le Loup ?
- Vous pouvez aussi essayer de réécrire l’histoire sous forme de bande dessinée
Avec un bâton :
- Lui proposer de voir les vraies épées du Moyen âge en allant visiter le Musée de l’armée à Paris, ou une exposition. Sinon en cherchant sur internet. (mais en vrai, c’est mieux, surtout à ces âges-là !)
- Lui montrer quelques gestes de maniement d’épée, ainsi que les conseils de sécurité et limites qui vont avec
- Fabriquer un radeau, un tipi ou une petite maison avec des bâtons et de la ficelle, même en taille poupée, on est content du résultat !

Et réaliser !
Ici, l’étape de la planification est facultative. Tu l’adapteras en fonction de ton enfant et de son projet. Bien sûr, si c’est une visite de musée, tu ne peux pas l’improviser, et il faudra la marquer sur le calendrier pour qu’il puisse vraiment compter les jours et visualiser le temps qui reste avant cette sortie.
Mais pour le reste, les enfants jeunes, ont souvent envie de tout, tout de suite, et la planification est encore délicate parfois. Je te conseille donc de commencer le projet au plus tôt avec lui, de façon à ce qu’il ait déjà une vision de ce que pourra donner le résultat. Ensuite, s’il faut continuer les autres jours, ce sera plus facile !
Attention à un point important : oublie tout perfectionnisme. On voit souvent de merveilleuses réalisations faites par des enfants de maternelle sur Pinterest ou Instagram. Méfie-toi ! Les personnes qui publient peuvent être des maîtresses qui ont choisi le plus beau dessin, ou des mamans qui ont pris des cours de photo pour mettre en valeur les réalisations de leurs enfants… Dans la vraie vie, les enfants peuvent aussi choisir d’améliorer leur création avec une grosse trace de peinture noire en plein milieu, juste pour qu’on voie bien que c’est là le milieu… et c’est ok aussi !
Voilà quelques idées qui, je l’espère, ouvriront les portes de ta créativité intarissable pour accompagner tes enfants avec cette pédagogie ! Le principe est simple : commencer petit, prendre confiance, et petit à petit oser se lancer dans de plus grands défis !
Bonjour, excellent article qui reflète bien la réalité de ce que je vis avec mes enfants en ief.
Ça fait la 4 ème année d’école à la maison. La première j’étais focalisée 100% montessori et sur le choix libre des activités, la deuxième année j’étais devenue au contraire beaucoup trop rigide (ma pire année) , la troisième année j’ai fini par être entre les deux : ni 100 % montessori ni trop rigide. De ce faite beaucoup de projets ont émergé : on a participé à une brocante (très bonne expérience), construction de robot (ça dépasse mes compétences mais l’idée n’est pas abandonnée), et puis d’autres ont vu le jour. Cette année les projets sont en ébullition, en fusion entre le projet d’écriture d’un livre, d’un magazine, de la programmation sur ordinateur, ect pour les aînés et la dernière de 4 ans qui n’arrêtent pas de feuilleter les livres de bricolage. Ça n’arrête pas, mdr. C’est une véritable expérience positive. D’ailleurs la seule consolation, si la loi de la fin de l’école à la maison passe, c’est que mes enfants savent que je continuerai à les soutenir et à les accompagner dans leurs projets.
Au plaisir de vous lire.
Merci beaucoup pour ce partage d’expérience !Je partage votre regard : au moins, nos enfants auront vécu cette liberté. Mais j’aimerais que d’autres enfants aient aussi cette chance !
merci pour cet article, qui m’aide à faire des passerelles entre des notions qui sont évidentes pour moi dans le milieu pro, mais que je patinais à transférer à la maison 🙂
Je vois bien que nos enfants ne fonctionnent qu’en projets du matin au soir ( lire tel livre, construire telle installation playmobil, faire un piège à telle bestiole dans le jardin, etc), mais restent pas mal dans leur zone de confort/d’autonomie si on ne met pas notre gain de sel dedans.